Non classé

Jugement

Lundi. Matin. Il fait encore nuit. La météo hésite entre éclaircies et averses.

Prise de poste, nous sommes nombreux (la faute à CoViD). Il règne dans le service une ambiance tendue, en effervescence. La nuit à été agitée. Enfin… vu le tsunami qui arrive, c’était le calme avant la tempête.

Quelques jours plus tôt, à la radio, cette femme qui a tué. Gros titres, émotions, perte de sens. Tous les arguments qui expliqueraient son geste sont évincés, rien n’y fait, on se protège !

Ce lundi, on nous décrit sa situation, ce qu’elle en a dit sur le week-end, sa détresse face à son geste et à cette réalité cauchemardesque. Chacun pourra porter son jugement sur cet acte, sur cette personne.

Moi, je suis à l’extérieur de ce cercle. J’observe. J’observe ce que je vois et ce que je ressens. Je suis tendue, agacée, effrayée par ce que j’entends.

Ces hommes et femmes en blanc, formés à aider l’autre, qui ont choisi ce métier et cette discipline. Celle qui rassemble ce que l’Homme ne peut saisir, accepter justifier. À croire que cette dame a dépassé les limites. Celles de l’acceptable.

Les propos sont agressifs, des idées de mort dépassent les lèvres de certains. D’autres prennent du recul, se distancient de la peu de en soins. Il y a aussi les fanatiques, ceux qui développent un intérêt médico-légal de pointe et y voient un spécimen à étudier.

J’entends la détresse de cette femme, cherchant à retrouver cet être cher. Cette amnésie bienvenue afin de se prémunir. Les collègues du week-end lui rappellant que revoir cette personne sera impossible. Ce mur.

Et il y a sa famille. Désemparée. Qu’on oublie. Ou pour laquelle on a une compassion, presque de la pitié.

Bref, je me remets dans ma bulle, à l’écart de cette agitation et de toutes ces défenses. La mienne sera la grotte. Celle qui permettra de garder en tête que cette femme s’est perdue en elle. Que cette femme est vulnérable. Je n’excuse pas ce geste, je ne le comprends pas. Elle non plus. Ça nous fait un point commun.

Toutes les vérités entrent peut-être dans e monde à l’état de chimère.

C. de Lamirande. In Pièce montée.

Laisser un commentaire